Les touristes du continent blanc

21 décembre 2005

Samedi soir à 22h00, sous un temps gris et après le dîner, l’Astrolabe a appareillé de la base Dumont d’Urville. Bien évidemment et comme c’était prévisible, l’émotion était palpable sur la plupart des visages et pour certains, le port de lunettes était quasiment indispensable. Difficile de savoir ce qu’il se passe dans les têtes à ce moment là après 14 mois passés ici…
Le retour du bateau vers l’Australie s’est accompagné de bonnes nouvelles du côté de la maternité de Dumont d’Urville, puisque le premier poussin de manchot adélie est né vendredi et j’ai pu vivre dimanche en direct l’éclosion d’un œuf de skua antarctique. Autant dire que j’ai pris une bonne claque dans la figure (pour ne pas dire autre chose) devant cette vie si belle et si simple.
Hier mardi comme c’était prévu, un bateau de touristes étrangers est arrivé et nous leur avons fait visiter la base (bâtiments et faune). Il s’agissait pour la plupart d’australiens ayant déboursés la modique somme de 11 000 € pour effectuer un voyage de 25 jours sur le pourtour du continent antarctique. Le tourisme se développe lentement dans les terres australes et antarctiques françaises et ne va pas bien évidemment sans poser quelques problèmes de sécurité (bateaux non adaptés à la navigation dans les glaces) mais aussi et surtout de perturbation du milieu naturel (fréquentation humaine, marée noire, déchets, pollution, dérangement de la faune…). Problèmes sur lesquels les autorités internationales commencent à se pencher, mais il n’est pas facile de dire à un pays qu’on ne veut pas de ses touristes, alors que ce même pays a accepté la construction de notre base permanente Concordia sur son territoire. Que dire encore quand un des visiteurs, qui a passé quelques mois ici en 1962 avec Paul-Emile Victor et qui revoit le bâtiment dans lequel il a dormi 43 ans plus tôt, vous dit en guise d’au revoir et avec la larme à l’œil « I will never forget this day » (Je n’oublierai jamais ce jour) ?!
Quoiqu’il en soit, Guillaume (mon prédécesseur) et moi gardons un excellent souvenir de cette journée avec des gens très disciplinés et accueillants qui nous ont même invité à bord pour le déjeuner.
Ce continent a encore de beaux jours devant lui et vu le coucher de soleil que l’on a à l’instant où j’écris, les phoques qui dorment sur la banquise, les oiseaux qui entament leurs ballets aériens, le silence et la vie qui règnent ici, on ne peut que le lui souhaiter…
Pour preuve, cette photo prise aujourd'hui lors du comptage des manchots adélie par photos aériennes. 1h30 de vol en hélicoptère au dessus des icebergs, du continent, du glacier, des îles... Tout simplement immense !!